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Comment mesurer la charge de travail en entreprise ?

13 avr. 2025

La charge de travail est devenue l’un des marqueurs les plus sensibles du bien-être en entreprise. Quand elle est bien calibrée, elle favorise l’efficacité, l’engagement et le sentiment d’accomplissement. Mais dès qu’elle déborde, parce qu’elle est trop intense, mal répartie ou floue, elle peut rapidement devenir source de stress, de désorganisation et d’épuisement.

Mais de quoi parle-t-on exactement ? La charge de travail n’est pas qu’une affaire de chiffres ou d’heures passées derrière un écran. Elle est aussi ressentie, subjective, parfois invisible. Elle se niche dans les imprévus, les injonctions contradictoires, les tâches qui s’ajoutent sans être priorisées. C’est ce qui rend sa mesure à la fois délicate… et essentielle.

Dans cet article, nous allons voir ce qu’est vraiment la charge de travail, pourquoi il est important de la mesurer, comment s’y prendre concrètement, et comment ces actions peuvent améliorer la qualité de vie au travail.

Comprendre ce qu’on entend par "charge de travail"

Avant de chercher à la mesurer, encore faut-il savoir ce qu’on met derrière cette notion de "charge de travail". Et ce n’est pas si simple, car elle recouvre plusieurs dimensions :

  • Quantitative, avec le volume de tâches à accomplir dans un temps donné

  • Qualitative, selon la complexité, la diversité ou la valeur ajoutée des missions

  • Cognitive, en lien avec la concentration, la gestion des interruptions, les sollicitations simultanées

  • Émotionnelle, car certaines situations pèsent plus que d’autres (par exemple dans les métiers d’aide ou face à des clients agressifs)

À cela s’ajoute une distinction importante : entre le travail prescrit (ce qui est prévu, formalisé), le travail réel (ce qui est effectivement fait), et le travail ressenti (ce que vit la personne dans sa charge quotidienne). Beaucoup d’écarts apparaissent ici, liés à des imprévus, des demandes informelles ou des tâches non anticipées qui s’ajoutent sans être toujours visibles.

Prenons un exemple concret : dans une PME, une personne en charge de l’administratif peut avoir un planning raisonnable sur le papier, mais être interrompue constamment pour des demandes urgentes, des appels ou des outils défaillants. Résultat : une journée morcelée, des dossiers qui s’accumulent, et une fatigue cognitive qui ne se voit pas dans les chiffres.

C’est pour cela qu’il est essentiel d’adopter une approche globale et nuancée. La charge de travail ne se résume ni à des heures, ni à une to-do list. Elle doit être appréhendée dans son ensemble, à travers ce que vivent réellement les équipes au quotidien.

Pourquoi mesurer la charge de travail ?

On a souvent tendance à attendre que ça déborde pour se poser la question. Pourtant, mesurer la charge de travail permet d’agir en amont. C’est une manière concrète de prévenir les risques psychosociaux comme le burn-out, le bore-out ou encore le turn-over. Une surcharge chronique, mal identifiée, finit toujours par coûter cher à tout le monde, humainement ou économiquement.

C’est aussi une question de santé publique. Une surcharge de travail, surtout lorsqu’elle s’accompagne d’un manque d’autonomie ou de reconnaissance, peut provoquer de l’anxiété, du stress, une fatigue physique et mentale, ainsi qu’un impact durable sur le sommeil et l’énergie au travail. Elle peut aussi générer des émotions négatives qui persistent au-delà du cadre professionnel.

Au-delà de la santé, il y a un impact direct sur le fonctionnement de l’entreprise. Une charge de travail trop élevée peut freiner l’engagement, brider l’initiative, et réduire la qualité des échanges, en particulier entre les équipes et leur management. À l’inverse, une charge trop faible ou mal définie peut aussi générer un désengagement ou un sentiment d’inutilité, le fameux bore out ou ennui profond au travail qui peut s'avérer tout autant délétère.

Mesurer, c’est aussi envoyer un signal fort : celui que l'on prend au sérieux le quotidien des personnes qui constituent l’entreprise et lui permette d’exister. Cela nourrit les démarches QVT, RH ou RSE en donnant des repères tangibles.

Les méthodes pour mesurer la charge de travail

Il n’existe pas une seule bonne méthode, mais plusieurs approches complémentaires. Le plus efficace reste de croiser les ressentis des équipes avec des données objectives issues du terrain.

Méthodes qualitatives

Entretiens individuels, groupes de parole, observations de terrain… Ces approches permettent de recueillir le vécu des équipes, d’identifier les frictions, les points de tension ou les tâches invisibles. Elles sont particulièrement adaptées aux petites structures ou aux environnements à forte dimension relationnelle.

Méthodes quantitatives

Certaines grilles ou questionnaires permettent une évaluation plus standardisée, comme par exemple :

  • Le questionnaire de Karasek, qui explore la charge psychologique, l’autonomie et le soutien social

  • Le NASA-TLX, développé par la NASA en 1988, est un questionnaire simple et rapide qui permet de mesurer la charge mentale sur différentes dimensions (effort, frustration, pression temporelle…). Malgré son ancienneté, il reste largement utilisé aujourd’hui car il offre une évaluation efficace et accessible de la charge cognitive perçue.

Il est également possible de s’appuyer sur des indicateurs RH plus concrets : heures supplémentaires, retards, taux d’absentéisme, turnover, demandes de congé inhabituelles, etc.

Des outils pour accompagner le quotidien

Pour objectiver la charge réelle, plusieurs outils peuvent être utilisés au quotidien :

  • Outils de suivi du temps : Harvest, Toggl Track ou Clockify permettent d’enregistrer le temps passé sur chaque tâche ou projet. Ces données aident à mieux visualiser la réalité des journées de travail, à repérer les décalages entre le temps prévu et le temps réel, et à identifier les tâches les plus chronophages.

  • Outils de planification et de gestion de ressources : Forecast (par Harvest), Float ou Teamdeck offrent une vision d’ensemble des charges planifiées, des disponibilités des équipes et des périodes de surcharge anticipées. Ces outils sont précieux pour éviter les goulots d’étranglement et répartir les efforts sur la durée.

  • Outils de pilotage collaboratif : Notion, Trello ou Asana permettent d’organiser les tâches, d’afficher les priorités, et de suivre l’avancement de manière partagée. Ils facilitent la transparence et l’ajustement continu.

  • Outils de suivi : Dashmood permet de suivre la charge perçue par les équipes, via des retours réguliers chaque semaine et une analyse des problèmes récurrents. Il aide à capter ce qui ne se voit pas dans les chiffres : surcharge ressentie, interruptions fréquentes, manque de clarté…

Ces outils, même simples, permettent de détecter des déséquilibres, de mieux répartir les charges, et d'anticiper les périodes à risque.

Impliquer les équipes dans l’évaluation

Mesurer la charge de travail ne peut pas être une démarche descendante. Pour qu’elle soit pertinente et acceptée, elle doit impliquer les personnes concernées. Cela passe d’abord par de l’écoute : laisser de l’espace pour que les équipes puissent s’exprimer sur ce qu’elles vivent réellement, sans peur d’être jugées.

Il est aussi utile de co-construire les outils de suivi avec les collaborateurs. Un tableau simple, un baromètre mensuel ou un moment d’échange régulier peuvent suffire, à condition que cela ait du sens pour tous. L’objectif n’est pas de contrôler, mais d’identifier ensemble ce qui coince et ce qui peut être amélioré.

Le rôle du manager / facilitateur est clé dans cette dynamique. C’est souvent elle ou lui qui a la meilleure vue d’ensemble pour faire des ajustements, redistribuer certaines charges ou prioriser différemment. Mais cela ne fonctionne que si la confiance est là et que le dialogue est ouvert.

Que faire une fois qu’on a mesuré ?

Mesurer la charge de travail n’a de sens que si l’on en tire des actions concrètes. La première étape consiste à analyser les résultats : où sont les déséquilibres, les points de tension, les signaux faibles ? Il ne s’agit pas seulement de chiffres, mais d’écouter ce que les données racontent sur la réalité du terrain.

Ensuite vient l’ajustement. Cela peut passer par une réorganisation des priorités, l’ajout temporaire de ressources, une meilleure répartition des tâches, ou encore un accompagnement spécifique pour certaines personnes ou équipes. Les imprévus font partie de la vie d’entreprise : intégrer cette marge dans la planification permet de limiter les effets de débordement.

Enfin, c’est une démarche à inscrire dans la durée. La charge de travail n’est pas figée. Elle évolue avec les projets, les équipes, les saisons. Mettre en place un suivi régulier et maintenir un dialogue ouvert avec les équipes permet de rester agile et réactif, sans attendre que la situation devienne critique.

Pratiques organisationnelles efficaces

Certaines pratiques de gestion peuvent renforcer ou au contraire désamorcer les tensions liées à la charge de travail. Voici quelques leviers simples mais puissants :

  • Clarifier les rôles et responsabilités : éviter les zones grises en définissant clairement qui fait quoi, tout en laissant de la souplesse en cas d’imprévus.

  • Organiser des points réguliers : des réunions d’équipe ou en tête-à-tête pour ajuster les objectifs, parler des obstacles rencontrés, réaligner les priorités.

  • Remplacer ou renforcer quand c’est nécessaire : anticiper les absences longues ou les pics d’activité pour éviter la surcharge par défaut.

  • Prioriser de manière réaliste : accepter qu’on ne peut pas tout faire en même temps, et choisir en équipe ce qui peut être mis de côté temporairement.

  • Avancer par étapes : lorsqu’un changement est lancé, prévoir des phases de test, d’adaptation et de pause pour digérer la nouveauté.

  • Soutenir le développement des compétences : prévoir du temps pour la formation, l’accompagnement, le partage entre pairs. Cela augmente l’autonomie et réduit la pression.

  • Rester en phase avec les capacités du moment : la charge doit être ajustée à ce que les personnes sont réellement en mesure de faire, pas à ce qu’on espère d’elles.

  • Planifier avec lucidité : une bonne planification ne cherche pas la perfection, mais une juste répartition de l’effort dans le temps.

Les pièges à éviter

Même avec les meilleures intentions, certaines erreurs peuvent vite saper la démarche. En voici quelques-unes à éviter :

  • Réduire la charge à un simple chiffre : une moyenne hebdomadaire ne dit rien de la nature du travail ni de son intensité. La réalité est souvent bien plus nuancée.

  • Culpabiliser les collaborateurs : faire remonter une surcharge ne devrait jamais être perçu comme un manque d’engagement. C’est au contraire un signe de maturité et de responsabilité.

  • Ignorer les imprévus : vouloir tout planifier au cordeau sans laisser de marge, c’est prendre le risque de tout faire basculer au moindre grain de sable.

  • Imposer des outils ou des process sans concertation : un bon outil mal introduit devient vite un poids supplémentaire. L’adhésion passe par l’implication dès le départ.

  • Oublier le suivi dans le temps : mesurer une fois et ne plus jamais en reparler, c’est envoyer le message que rien ne changera. La charge de travail doit se piloter dans la durée, pas ponctuellement.

Conclusion

Mesurer la charge de travail n’est ni un caprice de manager ni une simple formalité administrative. C’est une démarche concrète pour améliorer le quotidien, construire un cadre de travail plus équilibré et respectueux, et enclencher une dynamique positive à tous les niveaux de l’entreprise.

Ce sujet touche autant les dirigeants que les équipes : il invite à dialoguer, à s’écouter, à ajuster en continu. Une organisation qui prend au sérieux la charge de travail montre qu’elle prend soin des gens qui la font vivre.

L’essentiel étant d’ouvrir les yeux, de créer les conditions pour parler de ce qui pèse, de prendre en compte les bons paramètres et d’être lucide sur ce qui peut être amélioré. Il faut accepter que la démarche ne soit pas parfaite, mais qu’elle progresse en étant attentive, collective et ancrée dans la réalité.