Lorsqu’un salarié démissionne, on pense souvent au salaire en premier lieu. Pourtant, les causes de départ sont multifactorielles et se développent en général sur la durée. Frustration accumulée, besoins ignorés, signaux faibles négligés, un départ s’opère rarement sur un coup de tête. Dans les TPE et PME où chaque personne compte, comprendre les vraies raisons devient un atout stratégique et retenir ses talents commence par une question simple : pourquoi partent-ils vraiment ?
Une généralisation des causes de démission est-elle possible ?
En premier lieu, il est important de rappeler que les raisons qui poussent une personne à quitter son entreprise ne se résument rarement qu’à de simples statistiques. Ces raisons prennent racine dans un contexte unique et mûrissent différemment en fonction des profils. Ainsi, le secteur d’activité, la taille de la structure, la culture d’entreprise, mais aussi l’âge, le genre ou encore les conditions légales / sociales en vigueur influeront largement les motifs invoqués.
Un départ dans une startup parisienne de dix personnes n’aura pas le même sens qu’une démission dans une grande usine en région. Chez les jeunes actifs, la quête de sens et de mobilité est souvent centrale tandis que chez les profils plus expérimentés, la reconnaissance ou la stabilité peuvent primer. Certaines professions connaissent aussi un turnover “structurel” allant de paire (à raison ou à tort) avec la culture du métier : on pourrait prendre en exemple la restauration, la grande distribution, la logistique ou encore le médico-social.
Les différentes formes de départ d’un salarié
De même que pour les causes, un départ peut prendre plusieurs formes :
le départ volontaire (ou démission)
le départ négocié (rupture conventionnelle), une sorte de séparation “à l’amiable” qui traduit parfois une lassitude mutuelle ou un désalignement
le départ contraint (licenciement), décidé par l’employeur
le départ choisi (et porteur de sens) comme un déménagement ou un nouveau projet personnel
le départ subi au vu d’un cadre légal, par exemple pour une fin de CDD ou un non-renouvellement.
On remarque que plusieurs de ces formes peuvent souvent fausser les statistiques, car elles ne représentent pas en soi une insatisfaction réelle de la part des salariés, mais plutôt une réalité économique.
Les 9 causes de départ fréquentes selon les études
Les études récentes menées dans différents pays convergent sur un constat : les départs de salariés ne sont pas dus à une seule raison, mais à une combinaison de facteurs liés au travail lui-même, au management et aux conditions d’emploi.
1. L’insatisfaction au travail
Quand le quotidien devient routinier, que les efforts ne sont plus reconnus ou que l’ambiance se dégrade, l’envie de rester s’étiole. On ne part pas toujours pour “mieux”, mais souvent pour “autrement”.
💡 Exemple d’action : instaurer des points d’écoute réguliers pour identifier les sources d’insatisfaction avant qu’elles ne s’installent.
2. Le manque d’évolution ou de développement professionnel
Un salarié qui ne voit plus d’horizon finit par en chercher un ailleurs. Même les missions intéressantes perdent leur attrait quand on a l’impression de stagner.
💡 Exemple d’action : proposer des formations courtes ou de la mobilité interne pour maintenir un sentiment de progression.
3. Un management inadapté ou absent
Un manager peu à l’écoute, incohérent ou simplement débordé peut suffire à faire fuir les meilleurs éléments. L’absence de feedback régulier crée souvent plus de distance que les erreurs elles-mêmes.
💡 Exemple d’action : former les managers à la communication bienveillante et aux entretiens de feedback constructifs.
4. Une rémunération jugée insuffisante ou inéquitable
Le salaire n’est pas toujours la raison principale du départ, mais c’est souvent la goutte d’eau qui fait déborder le vase. L’injustice perçue est plus difficile à accepter qu’un montant jugé bas, mais cohérent.
💡 Exemple d’action : clarifier les critères d’évolution salariale, encourager la transparence sur les salaires et valoriser les efforts collectifs par des primes ou avantages symboliques.
5. Le stress et la surcharge de travail
Quand la charge devient intenable ou les priorités floues, la fatigue prend le dessus sur l’engagement. Beaucoup partent non pas parce qu’ils le veulent, mais parce qu’ils n’en peuvent plus.
💡 Exemple d’action : mesurer concrêtement la charge de travail, revoir la répartition des tâches et instaurer des moments de déconnexion réelle.
6. Le sentiment d’insécurité professionnelle
Les restructurations, les contrats courts ou le flou sur l’avenir de l’entreprise génèrent un stress diffus. Dans le doute, beaucoup préfèrent partir avant d’y être forcés.
💡 Exemple d’action : communiquer ouvertement sur la stratégie et l’avenir de l’entreprise, même en période d’incertitude.
7. Une culture d’entreprise défaillante ou toxique
Quand la confiance s’érode, que les non-dits s’installent ou que certains comportements sont tolérés, le climat devient vite invivable. Une mauvaise ambiance suffit parfois à vider une équipe.
💡 Exemple d’action : fixer clairement les valeurs de l’entreprise et agir rapidement en cas de comportements contraires.
8. Le manque de reconnaissance et de soutien
Ne jamais entendre “merci” ou “bien joué” finit par peser lourd. Les salariés n’attendent pas des bonus, mais des signes qu’ils comptent vraiment.
💡 Exemple d’action : encourager les remerciements publics, célébrer les réussites et créer une culture du feedback positif.
9. Les opportunités externes plus attractives
Un environnement de travail positif n’immunise pas contre la curiosité. Si une autre entreprise propose plus de sens, de flexibilité ou simplement une aventure différente, la tentation devient forte.
💡 Exemple d’action : maintenir un dialogue ouvert sur les attentes des salariés et offrir des projets stimulants pour donner envie de rester, tout en accompagnant avec bienveillance le salarié qui souhaite partir, car cela peut être bénéfique pour les deux parties
Transformer un départ en opportunité ?
Un départ, c’est rarement agréable. Il y a toujours une part d’émotion et parfois même un sentiment d’échec dans les plus petites structures. Pourtant, si on prend un peu de recul, il devient possible de considérer chaque départ comme une chance de s’améliorer : plutôt que de privilégier l’indifférence, échanger et dialoguer avec le salarié créera un environnement propice à l’amélioration continue.
Les grandes entreprises appellent cela un exit interview ; dans une PME, il suffit souvent d’une conversation honnête.
Demander à la personne ce qui l’a motivée à partir, ce qu’elle a apprécié, ce qu’elle changerait si elle était à ta place.
Ces retours valent de l’or (vraiment), car ils viennent d’un regard libéré de toute retenue.
Faut-il à tout prix retenir les talents ?
La question qui vient naturellement lorsque l’on évoque les causes de départ concerne les moyens à mettre en œuvre pour retenir les collaborateurs. On peut finir par tomber dans l’extrême inverse : bien entendu, certaines situations nécessitent des changements compliqués, mais nécessaires au sein de l’organisation. Mais il faut aussi prendre en compte que, parfois, l’adéquation ne peut pas se faire ou que les personnes aspirent à d’autres horizons. Dans ce cas, accompagner ce départ avec bienveillance est souvent ce qu’il y a de plus sain pour renforcer la stabilité globale au sein d’une équipe.
Accompagner un départ intelligemment, c’est aussi envoyer le signal aux autres membres de l’équipe que l’entreprise écoute, comprend et accompagne des humains, avec leurs rêves et ambitions propres.
En bref, l’objectif n’est pas de retenir tout le monde, mais de créer un environnement sain dans lequel les gens ont envie de rester et où le départ fait pleinement partie de la vie de l’entreprise.
Sources
Photo by Marten Bjork
Al-Suraihi, W., Samikon, S., Al-Suraihi, A., & Ibrahim, I. (2021). Employee Turnover: Causes, Importance and Retention Strategies. European Journal of Business and Management Research. https://doi.org/10.24018/ejbmr.2021.6.3.893.
Mamun, C., & Hasan, M. (2017). Factors affecting employee turnover and sound retention strategies in business organization: a conceptual view. Problems and perspectives in management, 15, 63-71. https://doi.org/10.21511/ppm.15(1).2017.06.
Hartwig, T., Santos, T., & Bemvenuti, R. (2024). The principal organizational factors that lead to turnover intention: a systematic literature review. Revista Gestão da Produção Operações e Sistemas. https://doi.org/10.15675/gepros.2992.